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L’insomnie définit le plus souvent des problèmes de sommeil chez un individu. Ce terme est créé au xvie siècle sur la base du latin insomnia (du latin somniculus, « état de celui qui dort ») et signifie stricto sensu la privation de sommeil1.
Dans l’acception commune et courante, l’insomnie est la diminution de la durée habituelle du sommeil et/ou l’atteinte de la qualité du sommeil avec répercussion sur la qualité de la veille du lendemain2. Un sommeil interrompu durant la nuit, ou sommeil polyphasique, est souvent confondu avec l’insomnie, menant la plupart du temps à une prescription de somnifères3.
Épidémiologie
Au milieu du xixe siècle, on considère que « l’insomnie, ou plutôt l’état organique du cerveau dont elle est l’expression, ne serait qu’une cause de maladie, plutôt qu’une maladie elle-même »4. Pour l’historien Roger Ekirch, l’apparition des premiers diagnostics d’insomnie, à la fin du xixe siècle, fait suite à l’adoption généralisée de la nuit de huit heures d’une traite5.
Environ un tiers des adultes se plaignent d’insomnies occasionnelles et 11 % ont une réelle insomnie6. Ce trouble est plus fréquent chez les femmes7 que chez les hommes, chez les personnes ayant des horaires irréguliers de travail et chez les personnes malades8.
Une maladie psychiatrique est retrouvée dans un peu plus d’un tiers des insomnies chroniques9, le plus souvent de nature anxieuse ou dépressive8. Ces dernières sont souvent le premier symptôme de la maladie et la persistance des troubles du sommeil augmente le risque de récidive10.
Classification des insomnies
Elle fait partie de la Classification Internationale des Troubles du Sommeil.
Type d’insomnie | Durée | Caractéristiques de l’insomnie | Traitements possibles par ordre décroissant voir aussi chapitre correspondant |
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Insomnie d’ajustement | < 3 mois |
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Insomnie psychophysiologique ou insomnie d’endormissement |
> 1 mois |
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Insomnie paradoxale11 | > 1 mois |
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Insomnie idiopathique | depuis l’enfance |
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Insomnie secondaire à une maladie mentale |
> 1 mois |
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Insomnie par mauvaise hygiène du sommeil | > 1 mois |
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Insomnie secondaire à une drogue ou une substance | > 1 mois |
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Insomnie secondaire voir aussi chapitre correspondant |
> 1 mois |
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L’insomnie se manifeste par quatre types de symptômes : la difficulté d’endormissement, la difficulté à rester endormi, le réveil précoce et le sommeil non récupérateur12. Ces symptômes sont souvent associés et peuvent évoluer dans le temps.
Causes
Les troubles du sommeil les plus courants causant l’insomnie sont le stress, les syndromes anxieux ou les états d’agitation ainsi que les problèmes digestifs. Les syndromes dépressifs sont souvent cause d’insomnie mais en sont parfois la conséquence13.
Toute maladie peut entraîner un trouble du sommeil : douleurs chroniques, fièvre, essoufflement. Certaines insomnies sont directement la conséquence d’une alimentation inadaptée, en particulier la prise excessive ou trop tardive de caféine. Elles peuvent être la conséquence d’un traitement.
Deux types de pathologies psychiatriques sont particulièrement aptes à générer des insomnies :
- les épisodes maniaques (états d’exaltation des humeurs) que l’on trouve essentiellement dans le cadre des troubles bipolaires ;
- les pathologies se manifestant par de l’hypervigilance, notamment les psychoses et les états de stress post-traumatique.
D’autres causes plus rares incluent :
- apnée du sommeil – Le cycle normal du sommeil est interrompu par de nombreux arrêts (pauses) de la respiration. Les conséquences de ces apnées sont une diminution du taux d’oxygène dans le sang et souvent des micro-réveils. Le sujet ne s’en souvient généralement pas le lendemain, mais se plaint de somnolence durant la journée. La plupart du temps ce trouble est de nature obstructive : il est question de syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS). Ce type d’apnée est souvent lié à l’obésité ;
- syndrome des jambes sans repos ou « impatiences » – Ces symptômes sont souvent décrits comme étant des sensations tactiles imposant le mouvement des membres concernés. La personne a un besoin impérieux de bouger dans le but de faire disparaître cette sensation, empêchant la survenue du sommeil et induisant un besoin de sommeil ;
- syndrome des mouvements périodiques , qui se différencie du syndrome des jambes sans repos en ceci qu’il survient pendant le sommeil, la personne n’en ayant pas conscience, les mouvements étant involontaires et rythmés (un mouvement toutes les 20 à 40 secondes). Ce syndrome entraine des micro-réveils fréquents induisant un sommeil de mauvaise qualité, avec pour corollaire une somnolence ou fatigue diurne. Il touche 10 à 15 % de la population, et plus de 50 % chez les personnes de plus de 50 ans. Il est souvent associé au syndrome des jambes sans repos. Il existe une forme idiopathique ou primaire. Les causes secondaires sont les carences martiales, l’insuffisance rénale, certains médicaments. Tout comme le syndrome des jambes sans repos il résulte d’un dysfonctionnement du système dopaminergique ;
- parasomnie – De nombreuses personnes qui pensent souffrir d’insomnie ont parfois simplement besoin de moins de sommeil qu’elles ne le pensent. Il ne faut d’ailleurs pas confondre le temps de sommeil et le besoin de sommeil. Le processus de vieillissement se manifeste notamment par un sommeil plus léger sur des périodes plus courtes, avec une vie tout à fait normale en période diurne, sans somnolence ou fatigue. Dans ces cas, il est inutile de prolonger artificiellement le temps de sommeil et il s’agit plutôt de proposer une occupation pendant les périodes d’insomnies.
Une rare configuration génétique (mutation d’un prion) peut causer une forme d’insomnie, pouvant entraîner la mort, appelée insomnie fatale familiale.
Méthodes diagnostiques
- L’interrogatoire du patient et, éventuellement du conjoint
- L’agenda du sommeil14 permet d’objectiver les troubles du sommeil. C’est un tableau sur lequel la personne note nuit après nuit, ses horaires de sommeil. La qualité du sommeil, la qualité du réveil, la forme dans la journée et l’existence de sieste ou non sont rapportés. D’autres informations peuvent être précisées selon les besoins. L’agenda permet de repérer facilement son rythme de sommeil. En cas d’insomnie, il illustre la qualité du sommeil et sa progression sous traitement et lors d’un sevrage en hypnotiques. Cependant, l’autoévaluation n’est pas toujours fiable et la durée d’endormissement ou celle des épisodes éveillés peut être surestimée15.
- L’actimétrie – C’est un examen du rythme veille-sommeil qui est réalisé grâce à un actimètre. L’actimètre est un petit appareil de la taille d’une montre qui se porte le plus souvent au poignet non dominant. À l’intérieur une cellule piézo-électrique permet de détecter les accélérations des mouvements. permettant de visualiser l’alternance de l’activité des jours et des nuits et donc avoir une bonne représentation du rythme veille-sommeil et de la qualité de la nuit. Certains actimètres permettent de mesurer l’intensité lumineuse ou la température corporelle.
Le tout permet de préciser le type d’insomnie, problème d’endormissement ou réveil précoce avec difficulté ou impossibilité de réendormissement, et ses conséquences dans la journée (fatigue, irritabilité, déficit d’attention…).
L’échelle de somnolence d’Epworth (qui évalue la somnolence dans la journée) peut donner des arguments en faveur d’une apnée du sommeil (présente dans un tiers à deux tiers des cas16). Une prise en charge spécifique pouvant alors être proposée.
Une recherche de prise inappropriée d’excitants doit être faite (caféine sous toutes ses formes, drogues…).
Conséquences
Les conséquences les plus évidentes en sont sur le retentissement sur les activités diurnes notamment somnolence, troubles de la vigilance, irritabilité ou dépression. Ainsi la présence d’une insomnie chronique semble être un facteur de risque de survenue d’une dépression des années plus tard17. La présence d’un ou plusieurs de ces signes est un argument majeur pour la nécessité d’une prise en charge. Le simple fait de dormir peu, quantitativement parlant, sans aucune conséquence sur la vie de tous les jours, reflète seulement un besoin de sommeil faible, courant chez la personne âgée et qui ne nécessite en aucun cas un traitement médicamenteux.
L’insomnie chronique est corrélée avec :
- l’hypertension artérielle18 ;
- le diabète de type 219 ;
- l’infarctus du myocarde20, une insuffisance cardiaque21 mais il n’est pas prouvé que traiter cette insomnie est susceptible d’en diminuer le risque ;
- l’obésité ; l’insomnie pourrait être un facteur de risque d’obésité22 et ainsi modérément contribuer à la mortalité23,24 ;
- certains cancers ? Plusieurs travaux récents ont conclu à une corrélation entre l’insomnie (trouble du sommeil le plus courant, et de plus en plus fréquent), et le cancer, mais avec des résultats incohérents25. Une étude récente (2020) s’est basée sur les contenus de sept bases de données et d’études complémentaires, huit études de cohorte (sept prospectives et une rétrospective) ont été retenues comme pertinentes(ayant impliqué 578 809 participants et 7 451 évènements cancéreux)25. Un risque global de cancer était de 24 % plus élevé chez les insomniaques par rapport aux non-insomniaques25. L’analyse de sensibilité a conclu à une corrélation stable, et l’analyse de sous-groupes a mis en évidence un risque significativement plus haut chez les femmes ; et le cancer de la thyroïde était le plus concerné par ce risque. L’insomnie pourrait donc être un signe d’alerte précoce de l’apparition du cancer, ce qui reste à confirmer en raison de biais potentiels dans les études existantes25 ;
- un risque accru (de 24 %) d’hémorragie cérébrale due à une rupture d’anévrisme intracrânien, probablement avec l’hypertension artérielle comme cause commune, en lien avec une prédisposition génétique à l’insomnie, selon une étude26 suédoise publiée en 2021 par l’American Heart Association (étude qui devra être confirmé par d’autres études car il s’agit d’une donnée nouvelle)27.
Traitements
Conseils d’hygiène du sommeil et de techniques de relaxation
Dans ce registre, les conseils les plus communs sont la réduction des activités stimulantes (sports, activités intellectuelles) ; la prise de stimulants (caféine, nicotine), d’alcool et de boissons (entraînant des réveils nocturnes pour la miction) ; les repas copieux et les siestes (notamment après une mauvaise nuit de sommeil), les activités sur écran (ordinateur, télévision28,29 – ces activités nuisant au sommeil « par l’effet d’excitation qu’elles produisent mais aussi du fait de la luminosité de l’écran, qui perturbe l’horloge biologique »30).
On recommande au contraire maintenir un environnement calme, relaxant et confortable avant le sommeil à l’aide de lecture, de musique, d’un bain ou d’une douche et d’une température ambiante aux alentours de 18 °C31,32 (15 à 19 °C mais cela peut être moins ou plus, du moment que l’on n’a ni trop froid ni trop chaud en s’endormant et après). On peut utiliser des techniques de relaxation33,34 (relaxation musculaire progressive (en), méditation, imagerie guidée (en) pour se créer des images mentales positives et contrer les pensées négatives35, contrôle de la respiration, notamment par des exercices de respiration profonde (en)36,37), par contre la technique de « compter les moutons » est peu efficace38. Et enfin, apprendre à connaître les signes de fatigue indiquant l’imminence d’un cycle du sommeil et ne pas retarder l’heure du coucher améliore l’hygiène du sommeil39.
La pertinence de ces conseils est cependant remise en question dans des études et méta-analyses récentes40,41. Leur efficacité semble avoir été exagérée, dans la mesure où leur apport positif lorsque mis en pratique en dehors du cadre expérimental semble très limité. Il n’est pas clairement démontré qu’il s’agisse d’un traitement efficace dans des conditions réelles; de plus, la promotion de l’hygiène du sommeil semble retarder la prise en charge efficace des patients au moyen d’autres thérapies à l’efficacité davantage démontrée41. Ainsi, le groupe d’experts à l’origine de la méta-analyse commandée par l’American Academy of Sleep Medicine ne recommande pas cette approche en tant que traitement de première intention41.
Thérapies comportementales
Les thérapies comportementales permettent de rétablir un rythme veille-sommeil satisfaisant, en diminuant notamment de 50 % le temps d’endormissement et la durée des réveils nocturnes42. Des essais comparatifs ont permis de retenir une meilleure efficacité par rapport au placebo, ainsi qu’une efficacité au moins égale à celle des traitements médicamenteux43,32.
D’autres techniques incluent la technique du contrôle par le stimulus. Elle consiste à ré-associer le lieu où on se couche (la chambre) avec le sommeil : aller se coucher quand le sommeil arrive, utiliser le lit uniquement pour dormir (supprimer la télévision, ne plus lire dans le lit, ne pas fumer… mais tolérance de l’activité sexuelle). Si le sommeil ne survient pas au bout de 20 minutes, se lever et attendre qu’il revienne avant de se recoucher, tout en maintenant une activité peu stimulante ; procéder de même en cas de réveil nocturne avec difficulté à se rendormir31,32, en résumé, associer son lit à l’idée du sommeil.
La restriction du sommeil : l’insomniaque passe paradoxalement un temps relativement long dans son lit. Ce temps n’est pas consacré exclusivement au sommeil, le sujet restant souvent éveillé, tout en demeurant allongé dans son lit. L’idée consiste à restreindre au minimum le temps passé au lit afin que l’efficacité du sommeil augmente pendant ce temps. La deuxième étape consiste à augmenter le temps passé au lit tout en conservant le bénéfice d’un meilleur sommeil nocturne. Les siestes sont interdites pendant la journée. Pour mettre en œuvre cette technique, on utilise l’agenda du sommeil32. La relaxation – notamment le training autogène de Schultz32 – peut avoir un intérêt.
L’efficacité de ces méthodes est qualifiée de « modérée » par l’American Academy of Sleep Medicine